Comprendre son cheval pour évaluer son état nécessite de remonter jusqu’à ses origines et d’apprécier son évolution pour planter le « décor ». Des millions d’années ont façonné l’animal tel qu’on le connaît aujourd’hui et ce ne sont pas ces dernières 4000 années de servitude et de sélection génétique qui ont pu changer ce qu’Il EST.

Redéfinir le cheval comme espèce animale à part entière, sous-entendu indépendante de l’homme, doit poser les fondations même de l’évaluation de son Bien-Être d’un point de vue physiologique et comportemental. Alors un peu d’histoire s’impose !

Il y a 60 millions d’années vivait en Inde (île détachée alors du continent africain) un ancêtre commun aux Périssodactyles actuels que sont le Tapir, le Rhinocéros et le Cheval c’est à dire un mammifère au nombre de doigts impair et dont l’axe du membre passe par la 3 ème phalange. Il arborait une tête similaire à celle du cheval et possédait le fameux astragale, petit os en forme de poulie présent dans le jarret.

5 millions d’années furent nécessaire à l’Inde pour remonter et entrer en collision avec le continent asiatique formant ainsi la chaîne himalayenne permettant la diffusion des espèces insulaires vers l’Amérique puis l’Europe de l’est. De très petite taille, se nourrissant de feuilles et de fruits, marchant sur 3 doigts, une aptitude physique idéale pour évoluer sur les sols meubles des forêts tropicales humides prédominantes, et vivant en petit groupe, cet ancêtre commun commença sa lente évolution et la branche des périssodactyles se divisa.

Il y a 34 millions d’années, la température baissa et les jungles tropicales laissèrent place à des forêts tempérées engendrant leur disparition d’Europe. Cependant la résistance s’organisa en Amérique du Nord, et notre petit cheval ancestral s’adapta à ce nouvel environnement additionné de roches et de prairies ouvertes. La généralisation desdites prairies au début du Miocène a semble-t’il eu le plus grand impact sur son évolution compte tenu de la diversification des espèces « équines » du moment et du témoignage éloquent de leurs évolutions physiques : la dentition se modifia, les surfaces occlusales s ‘aplatirent, les couronnes s’allongèrent pour s’adapter à une alimentation composée plus spécifiquement d’herbes et de graminées, les yeux reculèrent vers l’arrière du crâne offrant une vision à 180 °, les doigts latéraux s’atrophièrent , inutiles sur sols plus durs. Pour finir leur colonne vertébrale s’assouplit, gage d’une adaptation à la course en vue de se soustraire aux griffes et crocs mortels de nouveaux prédateurs (Lupoïdes). Enfin , corrélativement à ces derniers, leur taille devint plus imposante.

Le passage au genre Equus daterait d’il y a environ 3 à 4 millions d’années.

Il y a environ 2 millions d’années Equus franchit l’Isthme de Panama colonisant ainsi l’Amérique du sud puis rentra en Eurasie par le détroit de Béring jusqu’à fouler le sol africain où ses derniers descendants , ânes sauvages et zèbres vivent encore librement. Leur répartition et leur survie aux différentes époques glaciaires qui suivirent et dont la dernière il y a 11 000 ans eurent raison d’espèces tels que les mammouths ou tigres à dents de sable sont dues à leur stratégie alimentaire. Ils firent le choix d’une alimentation considérée comme peu nutritive par d’autres espèces et l’ ont compensé par la quantité, nécessitant de passer quasiment tous leur temps à cette activité.

Ils disparurent il y a environ 10 000 ans d’Amérique du nord alors frappée par de fortes hausses de températures entraînant sécheresse voire désertification, perte de la disponibilité en eau et concurrence intense. Cependant ils prospérèrent ailleurs jusqu’à ce qu’ils rencontrèrent l’Homme.

C’est dans les steppes du Caucase que la domestication du cheval a débuté. L’homme a effectué dès lors des sélections ( individus les moins nerveux et ceux les plus porteurs) et contrôlé la reproduction de ses chevaux. Il a ainsi orienté son évolution. Les chevaux domestiques et sauvages ont longtemps cohabité jusqu’à ce que cette espèce « fabriquée » se répande dans toute l’Europe et l’Asie, remplaçant les espèces sauvages qui s’éteignirent.

Tous les chevaux actuels descendent de cette espèce domestiquée Equus cabalus. La race Préwalsky est la seule présentant des similitudes avec l’espèce sauvage Equus ferus. Découvert au XIX siècle, il disparut vers le milieu du XX siècle sous la pression humaine.

Ainsi 5 millions d’années configurèrent les premiers « vrais » chevaux c’est à dire un animal adapté à vivre en terrain ouvert, sur sol plutôt dur, taillé pour la course (fuite), vivant en petit groupe et se nourrissant quasiment en continu ( environ 18 h/24h) d’une herbe faiblement nutritive qu’il doit trouver.

Un cheval qui ne vit pas dans des conditions similaires ne peut-il être qu’en situation de mal-être ?

Tous ne présentent pas de stéréotypies, preuves d’un évident mal de vivre. Car d’autres paramètres liés notamment à la sélection génétique ou à des actions compensatoires dictées par l’Homme sont à considérer et peuvent amenuiser l’incidence de telles privations.

Ceci étant ce contexte reste à privilégier pour permettre à tout équidé de s’exprimer dans son entièreté. Et nous le retiendrons comme élément essentiel d’un protocole d’évaluation de Bien-Être équin.

Nous reviendrons prochainement sur les différentes évolutions morphologiques définissant le genre Equus qui introduiront par la suite les notions de biomécaniques, d’ alimentation et de comportements sociaux.